La Citroën 2CV : Quatre Roues sous un Parapluie

La Citroën 2CV, affectueusement surnommée la « Deudeuche », la « Deux-Pattes » ou la « Dodoche », est bien plus qu’une simple voiture : c’est un monument de l’histoire automobile française, symbole de simplicité, de liberté et d’ingéniosité. Produite pendant plus de quatre décennies, de 1948 à 1990, son histoire est celle d’un projet visionnaire né dans l’entre-deux-guerres.


Le Projet TPV : La Naissance de la “Toute Petite Voiture”

L’idée de la 2CV prend racine en 1935, peu après le rachat de Citroën par Michelin. Le nouveau directeur, Pierre-Jules Boulanger (PJB), lance le projet secret TPV (Très Petite Voiture ou Toute Petite Voiture). Son objectif est de motoriser le monde rural et les classes modestes, en créant une voiture économique, robuste, et accessible à tous.

Le cahier des charges fixé par Boulanger était à la fois drastique et légendaire :

  • Transporter quatre personnes et 50 kg de bagages.
  • Être capable de traverser un champ labouré sans casser un panier d’œufs posé sur la banquette.
  • Atteindre 60 km/h en vitesse de pointe.
  • Avoir une consommation minimale.

Les premiers prototypes de 1937, caractérisés par un seul phare, étaient prêts pour le Salon de l’automobile de Paris en 1939. Cependant, la Seconde Guerre mondiale entraîna l’annulation du Salon et la destruction de la majorité des modèles de pré-série pour éviter que l’ennemi ne s’empare de cette technologie. Seuls quelques exemplaires furent cachés et conservés secrètement.


1948 : La Révélation et le Succès Tardif

La production ayant été retardée par le conflit, c’est finalement le 7 octobre 1948 que la 2CV est officiellement dévoilée au public lors du Salon de l’automobile de Paris.

Son esthétique spartiate (sièges en forme de hamac, toit en toile) et son allure déroutante lui valent initialement un accueil mitigé, voire moqueur, de la presse. Pourtant, la 2CV Type A, avec son moteur bicylindre refroidi par air de 375 cm³ et 9 ch (pour 2 CV fiscaux), séduit rapidement par ses qualités :

  • Sa suspension ultra-souple qui absorbe les inégalités de la route.
  • Sa traction avant et sa garde au sol élevée, idéales pour les chemins de campagne.
  • Sa simplicité mécanique facilitant l’entretien.

La production en série démarre en juillet 1949 et les délais de livraison s’allongent rapidement face à l’énorme demande, témoignant de son rôle essentiel dans la motorisation de la France d’après-guerre.


Évolution et Fin de Carrière d’une Légende

Au fil des décennies, la 2CV connaîtra de multiples évolutions :

  • Années 50 : L’apparition de la 2CV AZL (« L » pour Luxe) avec une lunette arrière agrandie.
  • Années 60 : Des augmentations de cylindrée (passant à 435 cm³ et 602 cm³ pour les versions 2CV4 et 2CV6) pour améliorer les performances.
  • Modèles Spéciaux : La rarissime 2CV Sahara 4×4 (équipée de deux moteurs !) et la populaire 2CV Fourgonnette.
  • Séries Limitées : Dans les années 70 et 80, des éditions spéciales comme la Spot ou la fameuse Charleston relancent l’intérêt pour la voiture.

Le succès de la 2CV, qui a engendré plus de 5,1 millions d’exemplaires produits (berlines et fourgonnettes confondues), témoigne de sa parfaite adéquation avec son époque.

L’aventure prend fin le 27 juillet 1990, lorsque le dernier exemplaire sort de l’usine de Mangualde, au Portugal. La 2CV est alors devenue un mythe, incarnant l’esprit français de la simplicité et de l’ingéniosité populaire, parfaitement résumée par son slogan : “4 roues sous 1 parapluie.”

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